Introduction
Après Les Cosaques de Tolstoï et sa profusion de mots russes, direction plein ouest et les États-Unis des années 1960. Une bonne dose d'anglicismes nous attend sous la plume de Romain Gary et son roman Chien Blanc (récit largement autobiographique, ce qui s'avère plutôt réjouissant quand on sait la vie ou plutôt les vies qu'a menées son auteur). En consultant la quarantaine de citations ci-dessous, vous aurez également à vous mettre sous la canine du vocabulaire sanglant international : pogrom, condottiere, fellagha etc.
Dédié à Sandy, Chien blanc se déroule en Amérique, dans l'Amérique blanche et malade qui en vient à dresser des chiens pour attaquer spécifiquement les Noirs. Ce racisme profondément ancré, le combattent chacun à leur manière les Martin Luther King et les mouvements pro-Noirs nettement moins non-violents, ces derniers rêvant plus ou moins à remplacer les salauds de Blancs par des salauds de Noirs, exerçant au passage sur les non-salauds de Blancs une culpabilisation bien huilée. Romain Gary est aux premières loges pour constater cela, étant le mari de l'actrice Jean Seberg, fervente défenseure des droits des Noirs. Dans Chien blanc, il nous dézingue tout ça, avec un humour irrésistible allié à une lucidité de vieux sage à qui on ne la fait pas, loin du tout blanc et du tout noir.
Malgré tout, lire ce bouquin en 2018, sous le règne de Donald Trump, l'idole des suprémacistes blancs décomplexés, c'est réaliser avec tristesse que la bêtise humaine a de beaux jours devant elle. Elle se porte bien, comme se portent facilement les armes, sans port d'arme. « Il a été absolument impossible d'obtenir du Congrès une loi interdisant la vente libre des armes à feu. » (Chien blanc, 1970).
Définition du vocabulaire peu commun
Autres citations marquantes
« Une minorité de Noirs essaie de libérer les Blancs de l'esclavage, et ce n'est pas facile de faire sauter des étaux qui encerclent les cerveaux depuis des siècles. » (page 72)
« Nous allons exiger que, chaque fois qu'un "crime" est commis par des frères, les journaux disent en toutes lettres que ce sont des Noirs qui ont frappé. Sans ça, on fera sauter des salles de rédaction. Ils se gardent bien d'annoncer la couleur. Ils mettent "John Smith" et c'est tout. Pourquoi ? » (page 123)
« Du reste, la tendance psychiatrique actuelle est de donner à tout crime un contenu social. Toute tuerie devient une guerre sainte, il n'y a plus de crapules, il n'y a que des héros. » (page 124)
« Il y a de petites organisations de Noirs dont le seul but est de soulager non pas les Noirs, mais les Blancs, les soulager de leur argent, et soulager leur conscience. Ils mettent l'argent dans leurs poches et les Blancs se sentent mieux. Bientôt, chaque Blanc "coupable" qui est assez riche pour se le permettre aura sa propre organisation de Noirs chargée de l'aider à se sentir un type bien. » (page 136)
« Je comprends bien que Marlon Brando entendait mimer l'attitude "dos au mur" des Panthères Noires. Mais chez un millionnaire qui ne risque pas un coup de pied au cul, cela ne faisait même pas "Panthère blanche", cela faisait caniche de salon qui pisse sur le tapis. » (page 140)
« Il faudrait faire une étude profonde de la traumatisation des individus par les mass media qui vivent de climats dramatiques qu'ils intensifient et exploitent, faisant naître un besoin permanent d'événements spectaculaires. Rien encore n'a été fait dans ce domaine. Et il faut bien dire que le vide spirituel est tel, à l'Est comme à l'Ouest, que l'événement dramatique, le happening, est devenu un véritable besoin. » (page 158)
« Je le sens [Kennedy] obsédé par de Gaulle, comme l'était son frère, qui ne cessait de m'interroger sur le vieux, à la Maison-Blanche, révélant une véritable fascination. »(page 160)
« C'est assez terrible, d'aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un chien dans l'homme et de l'aimer. » (page 212)
Informations
Les numéros de page correspondent à l'édition suivante :
Éditeur | Folio classique |
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ISBN | 978-2-07-036050-5 |
Date d'édition | 1972 |
Nb pages | 220 |
Infos générales sur Chien blanc :
Auteur | Romain Gary |
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Éditeur | Gallimard |
Date de parution | 1970 |